Allo docteur?

Ami lecteur as-tu déjà vécu dans un désert, et bien moi oui, je vis dans un désert, certes moins chaud que le Sahara, moins sableux aussi mais un désert tout de même. Le désert médical. Mais c’est quoi un désert médical me diras tu. Et bien c’est une région où il ne fait pas bon être malade, une région où tu comptes le temps d’attente pour un rendez vous chez le médecin en semaines, mois, voire en années. Ça fait longtemps qu’on entend parler de ses régions dans les journaux TV mais entre l’entendre et le vivre….

Débutons ce merveilleux post par un peu d’histoire, en 1971 le gouvernement instaure un numerus clausus littéralement, « nombre fermé »,   pour le passage de la 1^ère à la 2^ème année de médecine, afin de diminuer les dépenses de santé, pour s’assurer de la « qualité » des étudiants ou ne pas avoir plus de candidats que de place disponible pour l’internat et bien d’autres raisons. Au départ 9 000 places en 2^ème année. Mais vous connaissez nos politiques, aucune vision de l’avenir, aucune anticipation des conséquences, non parce qu’en 71 ça avait peut être un sens, les baby boomer entraient dans la vie active, mais ont-ils réfléchi à l’impact mesurable seulement 10 ans plus tard ? Ils naviguaient à vue, comme d’hab.. Si ce quota reste relativement stable jusqu’à la fin des années 70 il baisse rapidement pour atteindre le chiffre hallucinant de 3 500 à la fin des années 90. Non mais quelqu’un peut il m’expliquer comment les autorités « compétentes » en la matière on pu instauré ce chiffre en sachant qu’à la fin de ce cycle d’étude, minimum 10 ans, soit aux alentours de 2010,  nous verrions tous nos baby boomer partir en retraite. Grâce à cette merveilleuse mesure nous manquons maintenant de médecin.Par ailleurs, contrairement aux autres professions médicales dont l’implantation est règlementée, les médecins, eux, s’installent où ils veulent. Et à leur place tu t’installerais où toi ? Dans une  banlieue pourrie totalement laissée à l’abandon ? Une des nombreuses régions où l’Etat lui-même a baissé les bras en fermant les postes, les écoles, les maternités ? Comment leur en vouloir quand, après  s’être fait chier pendant plus de 10 ans ils refusent de s’enterrer là où ils n’auront ni boulot pour leur conjoint ni école ou activités pour leurs gamins, où il faut faire 150 km pour trouver Ikéa ou un cinéma. Sans compter que médecin de campagne c’est un sacré boulot avec des journées à rallonge et que 60% des diplomés sont des femmes qui veulent travailler ET avoir une vie de famille.

L’opération est simple :

Diminution de nombre de médecin + installation majoritairement dans les régions urbaines et ensoleillées = désert médical.

Les conséquences ? Un joyeux bordel pour se faire soigner. Afin d’illustrer mon propos je vais, ami lecteur, te narrer mon expérience personnelle. Nous vivons dans la sous préfecture de la Sarthe, 15 000 habitants, donc pas vraiment dans un village au fond du Larsac ou de la Creuse, et comme toutes personnes normales ils nous arrivent de tomber malade. En même temps c’est de notre faute, 5 enfants dont 2 asthmatiques, donc quand nous tombons malades et que l’automédication n’a pas fonctionné au bout de 2 jours, toujours comme une personne normalement constituée, j’appelle le médecin, et là... Notamment l’année dernière quand on s’est installée dans cette charmante petite ville, nous qui avions toujours vécu dans des métropoles, Paris, Bordeaux, Abidjan… où j’avais l’habitude d’appeler le médecin :

-          « bonjour madame, je souhaiterai un rendez-vous pour ma fille, c’est assez urgent elle a fait une grosse crise d’asthme »

-          « bien sûr madame, cet après-midi à X heure. »

-          « Merci madame »

Mais ça c’était avant…..

Quand je cherchais un généraliste à notre arrivée….

-          « bonjour madame, blablabla rendez-vous blablabla urgent blablabla

-          « je suis désolée mais le docteur machintruc ne prends plus de nouveau patient »

-          Hein ??!!!

 Maintenant que j’ai eu la chance d’en trouver un à la maison de santé…

-          « bonjour madame,  je voudrais un rendez-vous avec le docteur trucmuche

-          « c’est pourquoi ? » (l’amabilité est une option non disponible pour ce modèle.)

-          « Ma fille a fait une grosse crise d’asthme »

-          « ah ben là j’ai de la place vendredi à 18h. (alors que j’appelle le lundi matin) tu peux insister, ça ne marche pas.

Et ça c’est quand j’ai de la chance et que je râle parce que c’est vraiment urgent, non parce que quand j’appelle pour moi, genre j’ai le dos bloqué depuis une semaine, et bien attache toi lecteur… 3 semaines de délais. Une fois on m’a même suggéré les urgences pour une petite grippe ! Ou t’as le choix de te  taper 50 kilomètres comme pour aller chez le dentiste. N’importe nawaq !

Et ça c’est pour le généraliste, les délais les plus hallucinants que j’ai entendu depuis un an, dermatologue, 9 mois et le pompom du pompom, réponse d’un orthophoniste (oui ce n’est pas un médecin mais ça compte si je veux) appeler en novembre… t’es assis ? « Rappelez-moi fin juin 2015 pour savoir si je peux vous caser au premier trimestre 2016 » WTF ?! J’ai envie de te dire.  La solution ? Ne pas tomber malade… oui je sais….

Parlons un peu chiffre… j’ai comparé deux départements, absolument pas au hasard je te l’accorde, la Sarthe donc, et la Gironde et deux catégories de médecin. 1380 patients pour un généraliste sarthois contre 923 pour le girondin et 6050 patients pour un gynécologue girondin contre 15 290 pour le sarthois. En fait, il ne faut pas être une femme en Sarthe.

Un dernier pour la route : dans 90 départements on a 1 ophtalmologue pour 10 000 habitants soit environ 50 patients par jour….

Mais me diras tu, et tu n’auras pas tort, mais que fait le gouvernement ? Déjà il a relevé le numerus clausus à 7600 et des brouettes, mais ce n’est pas demain qu’on verra le résultat mais dans 10 ans. Il essai d’inciter les jeunes médecins à s’installer dans les zones délaissées avec des aides financières, 200 garanties de salaire versées à ce jour, ce n’est pas lourd. Le Sénat a proposé de dérembourser les patients de médecin s’installant dans les régions saturées (mesure adoptée avec succès pour les infirmiers) ainsi qu’un service médical obligatoire de 2 ans dans les hôpitaux recrutant difficilement. Nous avons aussi tous vu le nombre de médecin étranger monter en flèche, j’ai rien contre je le dit tout de suite avant qu’un esprit mal tourné interprète mal mon propos. Nous avons un pôle santé, plus de la moitié des médecins ont des noms à consonance étrangère, outre l’avantage d’embaucher des médecins disponibles, ils sont moins payés et moins difficiles que les français. les téléprocédures se développent, la semaine dernière j'ai passé un scanner, il a été interprété à distance, j'ai eu les résultats le lendemain dans ma boite au lettre, donc pourquoi pas. 

Alors non je n’ai pas de solution, ce n’est d’ailleurs pas le propos de ce post, qui se veut être un constat et un partage d’expérience. En fait j'en ai tellement ras le bol que j'avais surtout envie de raller c'est tout de même mon activité favorite et parce qu'aller chez le médecin quand t'as une grippe et que t'as rendez-vous 15 jours après, ben la grippe elle s'est barrée toute seule... ou t'es mort. .

Faut que je te laisse j'ai rendez-vous…